Je m’appelle Israël et je suis un pays heureux, malgré les innombrables tentatives pour m’éradiquer de la surface du globe.
Depuis les temps immémoriaux où D’ieu m’a donné aux Hébreux, puis celui où les hommes m’ont reconnu comme appartenant aux Juifs, j’assiste au pire et au meilleur, le pire venant souvent d’ennemis cruels, en manque de la plus élémentaire culture.
Aujourd’hui, je vois atterrir ici les enfants d’Israël, la joie au cœur, l’amour du Sionisme illuminant leurs prunelles. Et je jubile.
Cependant au moment où je vous écris je suis triste. Incommensurablement triste. À cause d’une date insupportable : 24 avril 2018.
Le 24 avril prochain verra la commémoration du génocide arménien, perpétré sur plusieurs années à partir de 1915.
Les Arméniens vivaient alors sur le territoire ottoman, et furent décimés dans la violence la plus infâme, sur l’ordre du CUP, Comité Union et Progrès, comité militaire turc à la tête de l’empire ottoman.
Un million deux cents mille Arméniens massacrés.
Tout comme pour mes enfants juifs, l’extermination est planifiée, les responsabilités déléguées, de sorte que chaque bourreau puisse alléguer : j’ai seulement obéi aux hommes !
Tout comme mes enfants juifs les Arméniens subissent des marches de la mort épouvantables.
Tout comme sur mes enfants juifs on lâche sur le peuple arménien des hordes de criminels recrutés dans le but de les assassiner, après les avoir spoliés, torturés.
Tout comme pour mes enfants juifs les rafles d’intellectuels arméniens se succèdent sans la moindre pitié.
Moi Israël, Terre Sainte où reposent vos Pères, j’aurais voulu qu’on vous enseigne la vie du peuple arménien, sa place dans l’empire ottoman au début du XXè siècle, le contexte politique de l’époque, l’émancipation des autorités ottomanes et la situation politique turque, les exactions d’avant le génocide.
Je vous exhorte à connaître cette ignominie où, tout comme pour nous, chaque être assassiné est un monde qui disparaît.
Vous le savez et je le sais, le châtiment n’est pas entre nos mains. Ni le pardon.
Mais le mutisme de notre Gouvernement face à ce ravage humanitaire, comment est-ce possible ?
Qu’on ne dise pas qu’Israël refuse cette reconnaissance. Je suis Israël et je reconnais l’extermination voulue et organisée des Arméniens.
Nos dirigeants veulent-ils perdre leur âme ? Car qu’auraient-ils d’autre à perdre sinon ? De l’argent ?
En 2017 vingt-neuf pays ont reconnu ce génocide.
Et nous nous taisons ?!
Moi Israël, dans la beauté dont D’ieu m’a paré, indestructible, attirante, rassurante, et dans celle que j’offre à chacun de vous, j’adjure notre Gouvernement d’adopter la seule attitude digne et humainement loyale.
Face à ces vingt-neuf pays enfin lucides, face à une Arabie saoudite plus ouverte, une Égypte partenaire, une Amérique pro-israélienne, que craignons-nous ? Que perdrons-nous ? En tout cas ni l’honneur ni la dignité.
Nous avons récemment reproché à l’UNESCO de voler notre histoire, sans vergogne, en attribuant à d’autres que nous des sites juifs. Nous avons évoqué ce dangereux négationnisme historique, parfois irréversible, et nous nous taisons d’une étourdissante manière face à l’officialité de ces massacres ?
Certes malgré de mauvais rapports apparents les affaires se portent bien entre Jérusalem et Ankara. Oserons-nous dire que c’est la raison de notre silence ? Sommes-nous en train d’oublier ce qui fait de nous un peuple : le sens de la justice, du respect, l’amour inaltérable de la vie ?
Avons-nous oublié que nous avons le devoir de montrer l’exemple, que nous ne devons plus craindre les conséquences de nos paroles, de nos actes ?
Dans quelques semaines vous allez fêter mes 70 ans.
Combien je vous félicite de ce que vous avez fait de moi, de mes plaines, mes déserts et mes flancs caillouteux ! Combien je suis fier de vos inventions qui guériront les souffrances, de vos découvertes qui honorent votre statut d’humains, de votre ardeur, votre énergie, votre fidélité ! Combien j’aime vos enfants qui me protègent, me défendent, et que je guide droit vers Hachem lorsque par malheur ils y laissent leur vie précieuse !
Cette année il me manquera un cadeau : la reconnaissance du génocide arménien par la Knesset.
Et pour ce cadeau-là, je pleurerai encore et toujours.
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